S’il faut abandonner la désignation « art brut », qui est devenue trop élastique et maintenant soumise au marché de l’art, comment désigner les créations personnelles qui se donnent à voir par surprise à un regard attentif au détour d’une rue, ou qui ne se dévoilent aux yeux de rares invités que dans des intérieurs privés ? Peut-être faut-il abandonner toute désignation qui chercherait à englober ces démarches personnelles et irréductibles ? « Art autrement art », ces pratiques individuelles qui surgissent nécessaires mais sans volonté de dépasser le cadre dans lequel elles apparaissent, doivent être accueillies pour ce qu’elles nous disent. Souvent nées d’une intuition et du besoin d’un faire manuel, souvent liées à une autobiographie discrète, elles visent sans le proclamer une accessibilité directe et universelle à l’art. L’art de faire quelques gestes, de préserver quelques objets ou de pressentir leur capacité à servir à d’autres usages, de se créer un espace et une respiration, de s’affranchir des règles et des normes qui imposent nos manières de vivre, de créer sa propre vision du monde… Quelles qu’en soient ces raisons, ces productions dessinent les contours d’une autre manière d’être. Peut-être répondent-elles en premier au besoin d’embellir le monde ? Ou plus justement à réparer, se réparer soi-même en ouvrant d’autres possibilités d’agir, et réparer le monde pour en faire un lieu de partage.

Antoine PERROT